Dessin réalisé par l'autrice de l'article
Autrice : Crabi - Liaison commune de Lyon - Fédération anarchiste - 30 / 10 / 2024
Chapitres
Que signifie "s'organiser en parti" du point de vue de la gauche
Qui est représenté ? Les masses sont-elles un bon point de repère ?
« Le Parti assure le rôle dirigeant de la révolution. Il se bat pour l’unité de tous et toutes les révolutionnaires car sans Parti, la classe ouvrière est désorganisée et ne pourra vaincre le capitalisme. Les éléments les plus conscients et déterminés du prolétariat doivent construire ce parti de type nouveau. Le Parti Communiste d’aujourd’hui a pour idéologie le marxisme-léninisme-maoïsme, le dernier degré atteint en théorie et en pratique par le marxisme. Il se base sur toutes les expériences historiques du prolétariat international et plus particulièrement la Commune de Paris, la révolution russe dirigée par le Parti Communiste jusqu’en 1953 et la révolution chinoise dirigée par le Parti Communiste jusqu’en 1976. »
– Le Parti – Parti Communiste Maoïste (français)
Dans la langue commune : « Un parti politique est un groupe de personnes possédant des idées politiques communes réunis en association. Il peut chercher à influencer le gouvernement en place, en le soutenant si celui-ci en est issu, ou en s'y opposant. Il nomme également ses propres candidats aux différentes élections et en tentant d'obtenir des mandats politiques. Un parti politique peut aussi influencer l'opinion publique. Il peut être présent au Parlement. »1
Au d’autres termes, l’organisation en « Parti » est une stratégie basée sur une centralisation de pouvoir, de ressources et de biens. Le pouvoir appartient aux tendances majoritaires au sein du Parti. Les ressources sont amassées et utilisées par ces tendances et pour la subsistance du Parti. Et les biens – locaux, matériaux et journaux – servent à maintenir en vie le Parti. Les partisan.nes du « Parti » donnent à leur comité local une étiquette et une forme qui se réfère à ce qui est décidé en congrès ou en assemblée. Ce parti suit une structure très souvent fédéraliste. Où, selon les idéologies portées par ledit Parti, les localités/comités se chargent plus ou moins des activités qui leur sont locales.
Selon Jean2 et Monica Charlot3, ces partis doivent avoir une base électorale. Les campagnes électorales durent plus longtemps favorisant l’émergence de régulation et de structures afin de gérer tout l’électorat et les élus. Les comités de campagne deviennent permanents formant des sections locales avec des idées, un programme et des éléments de langage propres à la section centrale du parti.
Tout cela demande de l’argent et des compétences. Cette professionnalisation des partis entraine la création de différents services dans le but de les maintenir et les agrandir. Iels énoncent même que « Le degré d’institutionnalisation des partis dépend du degré de développement politique du système socio-politique dont ils font partis ».
Cette structure peut être démocratique. C’est-à-dire que les militant.es élisent des représentant.es pour orienter les décisions du Parti vers une certaine tendance (changement de structure, points de vue national sur des évènements etc.) et vers certaines activités (mise en place d’une propagande, camp d’été, recrutement etc.).
Cette association en « Parti » est très présente dans les milieux militants aujourd’hui, car elle est, depuis la naissance du « communisme », la structure donnée pour réaliser un « changement de société » révolutionnaire ou non. Parmi les partis de la gauche dite « radicale » en France, on peut citer :
- Nouveau Parti Anticapitaliste, lancé en 2009
- Lutte ouvrière, depuis 1968
- Ligue Trotskyste de France, depuis 1998
- Parti Communiste des Ouvriers de France, fondé en 1979
- Révolution Permanente, depuis 2021
- Parti communiste Maoïste, depuis 2015
Les caractéristiques de ces Partis suivent une logique se rapprochant de celle des Partis de Masses4. La compétition électorale est basée sur la mobilisation de ses membres. Un travail intensif de terrain est entretenu. Des cotisations et des contributions sont mises en place. Des délégués et élites sont « responsables », devant les membres du Parti, de faire tourner ce dit Parti.
Des « organisations de masse » sont mises en place – si ce n’est donc pas directement les Partis - pour recruter tout le monde dans le but de mener des actions encore plus massives. Ces organisations servent à justifier leur idéologie. Elles donnent une légitimité et une image au Parti qui l’organise.
Daniel Gaxie5, dans son ouvrage « Le cens caché » énonce la possible formation de barrières invisibles empêchant les militants lambda d’arriver dans un cercle élevé. Ces partis fournissent à l’oligarchie des ressources monétaires, sociales et symboliques.
On peut retranscrire cette vision en prenant l’exemple de la scission entre le Front National et le Mouvement National Républicain. En effet, le pouvoir semblait monopolisé et la famille, qu’on dit éternelle, s’est scindée en deux, car ce monopole causa une frustration.
Enfin, il est primordial de noter que le NPA à ses débuts mélangeait marxistes et anarchistes jusqu’aux départs de ces derniers. L’accès aux organes fonctionnelles du Parti étant régis par des socialistes de la LCR, une grande partie des activités organisées par les anarchistes étaient dénigrées et sabotées.
« Presque 10000 membres à sa fondation, aujourd’hui entre 2000 et 2500 membres : ces chiffres, pourtant significatifs, disent pourtant encore mal l’effondrement rapide de la promesse NPA. Le NPA n’a pas su trouver les voies d’un nouveau type d’organisation, inventant des pratiques militantes renouvelées davantage ajustées à la perspective d’auto-émancipation des opprimés. […] Le NPA n’a pas su résister à la culture avant-gardiste de son axe initiateur, la LCR, dont le jeune Trotsky avait saisi lucidement les effets «substitutistes» (substitution du parti aux masses, des dirigeants aux militants, etc.) contre Lénine.6»7
On peut résumer: Le « Parti » est un outil de lutte avant-gardiste. Il amène la professionnalisation du milieu militant qui s’y engage, ce qui cristallise la mise en place d'une bureaucratie et d'une classe politique régissante. Elle subsiste en exploitant le malheur de celles et ceux – sympathisant.es et militant.es - qui se révoltent pour vivre. Elle gouverne dans l’établissement de rapport de force, filtrant plus ou moins l’expression des tendances minoritaires tout en faisant l’impasse totale sur la possibilité de corruption de ses membres et de sa tendance majoritaire : de fait dans le Parti tout écart de ses membres est traité par sa tendance régissante et en servant ses propres intérêts8. Un Parti ne peut donc pas lui-même se démanteler et dénoncer sa propre corruption car la bureaucratie chargée de maintenir le Parti en vie, est aussi chargée de dénoncer les écarts et de résoudre les conflits… Résulte la scission de l’organisation lorsque sa majorité régissante perd sa crédibilité après avoir échoué à se maintenir au pouvoir.
Ajout le 23 Juin 2024 suite à la scission du NPA : La dernière scission du NPA est la conséquence des combats systématiques de ses membres, historiques ou non, entre eux.elles :
Le NPA propose, en théorie, un schéma de représentation par plateforme qui permet un pluralisme de pensés sensées converger et donner une direction commune au Parti. Cette diversité de courant politique cause une concurrence idéologique entre ces plateformes.9 Des désaccords naissent et rendent difficile cette convergence. La plateforme ayant le dernier mot est celle des « initiateur.ices » du NPA (Besancenot et Poutou). Elle est constamment remise en question par les autres étant donné qu’elle garde la main mise sur les facteurs économique (budget, organisation, investissement etc.) et politique (alliance avec des réformistes ou bien des « ennemis » idéologiques).
A l’intérieur du NPA se confrontent donc des avant-gardes, puristes révolutionnaires et d’autres réformistes, anticapitalistes. Sous la pression de la représentativité et de la course à leur légitimité (lors d’élections ou d’évènements), les différentes fanges du NPA ont à l’issue de leur 5 eme congrès, décidées de faire une scission. Ironiquement les scissions se revendiquent du NPA et de sa racine (la Ligue Communiste Révolutionnaire), elles gardent alors le diminutif « NPA » rendant leur distinction difficile. Lors du congrès, la plateforme C (ayant eu 45.3% des suffrages) jugée « sectaire » par la plateforme B (ayant recueilli 48.5% des suffrages)10, devient alors la preuve du mal fonctionnement du Parti sensé permettre rappelons-le : « […] à chaque militant de trouver sa place et de pouvoir exercer pleinement sa souveraineté au sein du parti. Les débats à l’intérieur du parti doivent être simples, accessibles mais pas simplistes : un parti des travailleurs, de tous les travailleurs, des travailleuses, manuels ou intellectuels. » – Statuts du NPA modifiés par le 4e congrès – Nouveaupartianticapitaliste.11
On peut remarquer l’ironie de la dénonciation de « sectarisme » lorsque 50% de l’organisation se détache de l’autre par peur de perdre la main mise d’un joue-joue parlementaire…
Cette scission pourrait-elle ouvrir les yeux sur l’inutilité d’un Parti avant-gardiste chez les Marxistes ? Non. Cette situation profitera à Lutte Ouvrière et amènera la création potentielle d’un nouveau parti anticapitaliste « révolutionnaire », cette fois-ci, difficilement ouvert à tout le monde.
Le parti construit-il son peuple ? Focus sur les Partis « révolutionnaires »
« Seule une révolution pourra guérir notre société des maux qui la rongent […] c'est-à-dire d'arracher des mains des capitalistes la gestion des usines, des banques, des mines, des terres, de l'énergie et des transports. Et de faire en sorte qu'ils appartiennent à la collectivité et soient gérés par elle. […] La société capitaliste peut être renversée pour laisser place à une organisation nouvelle et supérieure de la société : le communisme. Cette transformation profonde ne pourra se faire qu’au travers d’une révolution de l’ampleur de la révolution russe. […] Pour arracher durablement les moyens de production aux capitalistes, les réorganiser et les développer pour satisfaire les besoins de l’humanité, la classe ouvrière aura besoin du pouvoir politique. […] Pour surmonter ces obstacles [provenant de l’Etat et de la bourgeoisie] et vaincre, les exploités auront besoin d’un parti qui se fixe cet objectif, et dont l’ensemble de la politique tende vers la préparation de ces périodes d’affrontement contre la bourgeoisie. […] Le parti révolutionnaire devra avoir de profondes ramifications dans la classe ouvrière et dans l’ensemble des couches exploitées de la société pour pouvoir en exprimer les intérêts communs, les aider à s’organiser pour détruire l’État de la bourgeoisie et prendre le pouvoir. »
– Qui sommes-nous ? – Lutte Ouvrière
Les partis révolutionnaires de gauche prônent et défendent pour la plupart des idées socialistes et communistes. Souhaitant tous l’organisation des « travailleurs » à travers leur propre Parti dirigé par leurs propres militant.es informé.es et éclairé.es. Conscient.es de la nécessité de l’établissement du socialisme et d’une « phase transitoire ». Elle, toujours différente selon les militant.es, et se basant sur les mêmes textes et théories marxistes.
Ces Partis seraient aussi les instances dirigeantes du peuple favorable (non "contre-révolutionnaire") à la révolution lors de son éruption. Son objectif est de gagner les faveurs du peuple sympathisant lors des assemblées, pour ensuite y siéger et le chapoter. Tandis que la destinée de ses opposant.es n’est pas vraiment précisée.
Beaucoup prennent modèle la « révolution » des Bolchéviks de 1917. C'est-à-dire la prise de pouvoir d’un parti révolutionnaire, par son comité révolutionnaire : une prise de pouvoir martiale et militaire. C’est un putsch organisé par un Parti militarisé, bien minoritaire à l’époque, contre un gouvernement provisoire peu populaire. La situation de « réussite » de la révolution pour les bolchevicks bien que très contextuelle et nébuleuse sert aujourd’hui d’exemple bateau à nos partis d’aujourd’hui.
Les partisans.es de l’organisation en Parti partagent la dispute du pouvoir avec leur opposant.es politiques « révolutionnaires ». C’est lors de ses congrès, ses assemblées et ses « soviets » que les partis/tendances s’opposent et essaient mutuellement de se dominer (rapport de force). Alors, lorsque les militant.es d’une tendance en ont l’occasion, ils s’imposent. Parce que pour eux.lles, iels sont les éléments « éclairé.es » et « conscientisé.es » de la « classe ouvrière » : les autres sont des contre-révolutionnaires, ignorant.es et stupides qui mettent en péril tout le "travail accompli".
Alors, oui, ce Parti façonne un idéal pour le peuple. Mais un idéal qui lui est propre. Enfin, il construit son peuple à partir de son idéal.***
Après le Dual Power, après la révolte, le Parti détruit et soumet le peuple
L’idée du Dual Power12, alimentée par de nombreux.ses militant.es de gauche, consciemment ou non, prend vie avant et pendant la révolte. Alors qu’elle met en scène de nombreuses alternatives économiques et politiques. Elle est oubliée par le Parti « dominant » aussitôt qu’il prend le pouvoir. Après la « révolution », le Parti prend place et impose sa domination politique et économique.
Le Parti rime ainsi avec acharnement pour le pouvoir et le gain de cause. Il n’entend en rien à laisser autonomes des territoires alliés. Son idéal s’impose aux Partis et organisations qui ébranlent son pouvoir, par les mots ou par les armes.
Abstract sur la révolution Russe
La révolution russe, saint graal de ces Partis, en est l’exemple même : éliminations des opposant.es au Parti bolchevique, police politique dans toutes les régions, nouvelle caste bourgeoise et économie capitaliste, extermination de tout mouvement de grève et de soulèvement non-bolchevique et mise en place d’un parti unique. On compte des milliers de notes, de livres et d’articles où ces Partisans de la révolution bolchevique se justifient à chacune de leurs actions ignobles et horribles :
- Dissolution de l’assemblée constituante en 1918 dans la violence et par le Parti Bolchevick. Le 28 novembre, Lénine interdit le parti des KD, accusé d'être contre-révolutionnaire et fait arrêter ses dirigeants. Le 12 décembre, il publie dans la Pravda ses Thèses sur l'Assemblée constituante où il expose que l'Assemblée constituante russe est constituée de partis bourgeois ; accepter sa domination serait un recul pour la révolution sociale.**
- Création, en décembre 1917, d'une police politique et de tribunaux d'exception, chargés d'arrêter, juger et condamner par des « méthodes expéditives » les « ennemis du régime » qualifiés de « poux » et d'« agents capitalistes ». Elle est aussi chargée de la traque des dissident.es, de leur expulsion du Parti et de leur condamnation pour « activités contre-révolutionnaires ». Sont ciblés les socialistes révolutionnaires, les anarchistes, les mencheviks, les socialistes-révolutionnaires de gauche, les sionistes, les bundistes, les pacifistes, les démocrates, les libéraux du Parti constitutionnel démocratique, et, bien sûr, les « Blancs » (partisans de la monarchie)
- Le 18 mars 1921, l'Armée rouge réprime dans le sang la révolte de Kronstadt, dont les marins avaient exigé le retour au « pouvoir des soviets » et la fin du monopole bolchevique. Trotski justifie cette répression : « Les soviets dominés par les socialistes-révolutionnaires et les anarchistes ne pouvaient servir que de marchepieds pour passer de la dictature du prolétariat à la restauration capitaliste. Ils n'auraient pu jouer aucun autre rôle, quelles qu'aient été les « idées » de leurs membres. Le soulèvement de Cronstadt avait ainsi un caractère contre-révolutionnaire »13.
La peur de ne pas avoir le contrôle sur le peuple a mené le Parti bolchévique à commettre d’innombrables trahisons envers les autres partisan.nes de la « révolution ». Ces actes « contextuels », « nécessaires » et que l’on ne « peut juger car nous n’y étions pas » sont de fait inévitables dans une révolution mené par le Parti: les rapports de forces, qui existaient lors des assemblées et des soviets, se sont simplement étendus à la répression armée. Les écarts qui autrefois étaient traités par des exclusions sont maintenant traités par des exécutions.
Cette stratégie infiniment plus efficace dans un contexte de guerre, devient alors justifiable pour ledit Parti, lui permettant une hégémonie dans les assemblées. Les massacres sont assumée par la tendance régissante, car de fait, le Parti mène sa révolte et construit son peuple comme il l’a fait par le passé, en excluant les « contre-révolutionnaires » en leur trouant la poitrine. Alors le Parti façonne le peuple – massacres, répressions et flicages – qui par la suite lui donnera légitimité lors des soviets.
Il n’est pas utile, ici, de s’attarder sur cette question lorsque des articles plus poussés nous donnent encore plus d’informations sur tout cela. Ces Partis ont mené des massacres, quelle que soit l’idéologie qu’ils soutenaient.
Quelle place donner à un parti "ouvert", organisé par les libertaires ?
« Le NPA est un parti qui se bat pour les principes définis dans le document programmatique adopté au congrès de fondation. […] Ce qui rend nécessaire une centralisation des activités du parti, c’est que le capitalisme dispose d’un cadre centralisé d’où s’organise sa domination : l’État, les puissances économiques et financières. L’enjeu est bien un changement de pouvoir et une rupture révolutionnaire avec l’ordre établi. […] Notre objectif est de permettre à chaque militant de trouver sa place et de pouvoir exercer pleinement sa souveraineté au sein du parti. Les débats à l’intérieur du parti doivent être simples, accessibles mais pas simplistes : un parti des travailleurs, de tous les travailleurs, des travailleuses, manuels ou intellectuels. »
– Statuts du NPA modifiés par le 4e congrès – Nouveaupartianticapitaliste
Et si l’on pensait le Parti différemment ?
En effet, il serait possible de créer un Parti « anarchiste » (appelé comme cela ?), d’y faire vivre la démocratie et de tout faire pour qu’il soit « ouvert ». De faire en sorte que la structure soit un outil pour la lutte et non une instance de pouvoir hiérarchique. De faire comme les autres organisations anarchistes !
Alors, me direz-vous, les partisan.nes de ce parti « libre » arriveraient à se défaire de la corruption et de la violence irraisonnée. Enfin, il participera aux élections locales ou nationales pour faire entendre la voix de ses membres *et celle du peuple*.
Cela parait être fortuit … Et complètement antagonique.
Cette tentative « partisane » a déjà eu lieu :
« À la suite du congrès de Paris de 1953, la Fédération anarchiste se transforme en Fédération communiste libertaire (FCL) par un vote majoritaire de 71 mandats contre 61. (Les autres noms proposés étant « Parti communiste anarchiste » et « Parti communiste libertaire » !) La crise a cependant fortement affaibli l'organisation, car la Fédération ne regroupe qu'environ 130 à 160 militants. »14
« En décembre 1955, la FCL décide de présenter des "candidats révolutionnaires" aux Élections législatives françaises de 1956. Ils feront un score dérisoire et Georges Fontenis considèrera par la suite cette tentative électoraliste comme « une erreur quelque peu ridicule »15, qui a entraîné la scission de plusieurs groupes actifs. Ces groupes formeront ensuite les Groupes anarchistes d'action révolutionnaire (GAAR)16. Pour Christian Lagant, l'éditeur de la revue Noir et rouge, la FCL était devenu un « parti plus trotskiste que libertaire qui devait se suicider politiquement après le summum de la participation aux élections législatives de 1956 »17
Similaire à la FCL, la Coordination des Groupes Anarchistes scissionne avec la FA en 2002 pour mettre en place un mécanisme plus "efficace" par majorité. En quelques années apparaissent des combats internes, des guerres de clans, des tendances qui en écrasent d'autres jusqu'à ce que la structure se brise.
Aujourd’hui, l’ « Union Communiste Libertaire », structure communiste libertaire, se plait à joindre marxisme et anarchisme. Elle se targue d’une volonté de « synthèse » dans le sens du marxisme et non de l’anarchisme. Elle anime aussi toujours la volonté de peser politiquement, à l’image d’un Parti :
« Mais en même temps nous nous définissons comme un courant nouveau, produit d’une volonté de synthèses et de dépassements multiples. […] Nous voulons devenir demain une force politique majeure, qui donne au courant libertaire « lutte de classe » une assise auprès des larges masses, et ce dans un mouvement révolutionnaire, s’inscrivant dans un mouvement ouvrier refondé et renouvelé. » – Manifeste de l’UCL – Une démarche ouverte & Un courant nouveau – UCL
L’UCL refuse toute participation et collaboration avec des anarchistes des courants mutuellistes, individualiste ou « autonomes ». Souhaitant garder « pure » leur tendance marxiste au sein de leur organisation. Toutefois, l’UCL accueille évidemment les sympathisant.es pour les convertir et s’en servir, à l’image des autres courants révolutionnaires.
Très récemment, des groupes comme l’ « Envol » à Bordeaux ou bien « Acide » à Toulouse ont quitté l’UCL. Iels dénoncent l’approche de « Parti » de l’organisation :
« Au lieu de chercher à résoudre ces problèmes, l’UCL s’enfonce dans une fuite en avant où une minorité de personnes continue de tenir une barque qui prend l’eau de toutes parts. Nous reprochons également une sorte d’injonction tacite à des publications frénétiques en réaction à des faits divers, comme si nous devions suivre le rythme des médias et des politiques dominants contre lequel nous nous battons. L’UCL est aussi marquée par une autonomisation des instances fédérales et une logique de centralisation qui vont à l’encontre des règles collectivement définies dans nos statuts. Ceci résulte en une prise de pouvoir discrète : des refus de publication de textes aux modifications de compte-rendu de commissions, en passant par des après-réunions influençant les décisions. Certains espaces d’élaboration politique sont ainsi devenus des entre-soi affinitaires, on peut y retrouver des logiques d’alliances de circonstances qui visent à écarter les éléments les plus critiques et les plus anarchistes. […] Nous notons, d’ailleurs, que toute critique à leur égard est rapidement balayée d’un revers de la main au nom de la « confiance » et de la « camaraderie ». En outre, le Secrétariat Fédéral semble aujourd’hui avoir la main mise sur une grande partie de la gestion de l’organisation. »
– Extrait de la Lettre de départ collectif du groupe de Bordeaux [actuellement « L’Envol »] de la fédération UCL – 10 juillet 2023
Et encore cet extrait ne reflète pas l’ampleur de l’échec de l’UCL vis-à-vis de leur organisation « démocratique » et « libertaire ».
Une structure « libre » et anarchiste au sein d’un « Parti », ou d’une organisation s’en rapprochant, ne peut exister. Le Parti est un appareil centralisé et rigide, incompatible avec les préceptes anarchistes, donnant les pouvoirs décisionnels à une minorité "idéale" et où les informations y sont contrôlées et régulées.
Mais, alors, que faire des autres Partis existants ? Ils font vivre une logique hiérarchique dans leurs activités.
Allons-nous les ignorer ?
Il est risqué d’ignorer ses ennemi.es et de poursuivre la création d’un monde « en dehors » en croyant vivre sur une autre planète. Non, nous ne pouvons pas faire dans le court-termisme et le sectarisme géographique.
Allons-nous essayer de les convaincre frontalement avec nos mots ?
Il est vain de croire que cela est utile : Depuis plus de cent ans, des personnes plus éclairé.es les un.es des autres n’ont fait que trop discuter avec nos « ennemi.es ». Mettant à mal le mouvement anarchiste. L’exposant à des scandales, des disputes inutiles et plus encore.
Historiquement, on pense à l’Espagne de 1936, où les anarchistes, alors plus d’un million en espagne, choisissent de débattre et de concilier avec les socialistes et les républicains qui sont globalement minoritaires. Souhaitant faire dans l’« union antifasciste », les anarchistes se feront trahir, désarmer et fusiller sous les ordres de ces Partis. Iels seront taxés alors de « contre-révolutionnaires », encore, bien que mobilisé.es sur tous les fronts contre les fascistes.
On peut penser à la Makhnovchina qui a combattu au côté de l’armée rouge dirigée par les bolchéviques. Les anarchistes pensaient pouvoir s’arranger, après la défaite de l’Ukraine nationaliste, avec les rouges. Iels se feront poignarder dans le dos par ces allié.es aussitôt que la victoire obtenue contre les fascistes.
Ensuite, le Parti Communiste Français et la SFIO française, après-guerre, déjà très critiquables, mènent le reste de « la gauche » dans l’oubli à travers d’innombrables concessions aux républicains. Les Partis « socialistes » alors majoritaires parlementent en face de fascistes. En résulte une défaite immense pour ces soi-disant « révolutionnaires » socialistes.
Plus récemment, on peut penser à toute la « gauche » qui s’acharne à vouloir se fédérer, sans succès. Elle s’engouffre dans le néant tandis qu’elle tente de converger ses luttes dans des assemblées apolitiques et des débats sans fonds. Tout le monde essaie de convaincre tout le monde, sans réellement s’écouter.
Iels font de la politique de métier, souhaitent en s’inspirant du passé, imposer des lignes idéologiques. Il en résulte une défaite complète de la « gauche ».
Références
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_politique ↩
-
Politologue français ↩
-
Historienne franco-britannique, spécialisée dans l'étude de la civilisation britannique ↩
-
Notion introduite par le Français Maurice Duverger dans son ouvrage Les partis politiques en 1951. ↩
-
Politiste Français ↩
-
Dans Léon Trotsky : Nos tâches politiques (1e éd. : 1904) ↩
-
https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog/040213/pourquoi-je-quitte-le-npa-pour-la-federation-anarchiste ↩
-
On ne manque pas d’exemple de cadres politiques impliqué.es dans des affaires restant à leur poste, protégé.es par la tendance régissante de leur Parti. ↩
-
https://rapportsdeforce.fr/analyse/pourquoi-deux-npa-irreconciliables-010915719 ↩
-
https://lanticapitaliste.org/actualite/vie-du-npa/la-separation-du-npa-etait-devenu-inevitable-du-fait-du-sectarisme-de-sa ↩
-
https://npa-lanticapitaliste.org/node/54309 ↩
-
https://purpleblack.org/Dual%20Power.md ↩
-
https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/01/lt19380115.htm ↩
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anarchisme_en_France ↩
-
Georges Fontenis, Changer le monde. Histoire du mouvement communiste libertaire (1945-1997), éd. Le Coquelicot/Alternative libertaire, 2000, page 128. ↩
-
Christian Lagant, Noir & Rouge n°9 ↩
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9d%C3%A9ration_communiste_libertaire_(1953-1957) ↩